Il s’était dilaté dans la clôture de cette année-là.

À Complies, le temps redevenait égal, comme rassuré. Je me souviens qu’il y avait alors, toutes les petites heures, de celles qui semblent s’éterniser, dès Laudes*; quand pointe la nouvelle journée, quelque-chose nous dit qu’on est en vie, encore un peu… Et qu’il reste une suite d’heures, longue, très longue; un jour entier de celles-là, où l’on va s’attarder sur une tâche, sachant qu’il faudra la faire durer.

Nous dit aussi qu’on l’on s’attellera ensuite à l’occupation qui viendra après la précédente, plus minutieuse encore, où l’herbe du cloître devra être coupée lentement, parfaitement et d’égale hauteur partout…

Nous dit encore que la marche nécessaire s’emboîtera dans la dernière activité. Le corps devra se raisonner et s’astreindre à goûter la mesure des moments minuscules et des efforts qui y sont contenus, la promenade nue, l’absence de parole…

Puis arrivera la frugalité du repas dans le silence du petit réfectoire réservé à la retraite. Une respiration recommencée le lendemain et les autres demain qui suivront, la paix tumultueuse des heures du jour et de celles de la nuit. De la terre et du ciel qui la recouvre.

Avec toujours cette conscience lancinante de l’amplitude de notre temps humain, compté, qui se distille en pauses de confinement nécessaires. Qui vont durer.

  • Laudes et Complies: Prières qui se disent au lever du jour. et à la fin de la journée dans l’espace conventuel.

Mesure… (Confinement)
Livre: Retour en terre sèche. Élisabeth Groelly. Éditions Murmure des soirs.2015