Ils étaient nos aînés, ceux qui partaient et puis il y en a eu de moins âgés; aujourd’hui ils sont de notre âge, ceux qui s’en vont. Ils n’ont rien dit, pourquoi l’auraient-ils fait; vous le criez sur les toits, vous quand vous êtes malades? On cherche un coin calme pour s’habituer au minuscule; je ne dis pas petitesse, le mot est réservé à d’autres qui ont toujours été petits et le sont encore même s’ils ne courent plus les rues en ce moment de grande viralité; au minuscule, la fin de vie, quoi. Longue introduction pour penser à eux avec tendresse… À Georges Pernoud qui m’a fait connaître St Kilda, là-haut, très-haut, une île qui vit dans un de mes livres. Pernoud et son sourire clair, de ces sourires qui nous font penser que le bonheur, c’est tous les jours. Et puis hier, Jean-Pierre Bacri; paf! À sa dégaine, à son dégoût affirmé pour les choses pesantes et inutiles et pour l’imbécillité ambiante, on pensait qu’il durerait toujours, comme ça à nous dire de ne plus supporter les insupportables… il n’y a pas si longtemps, c’était Anne Sylvestre qui s’en allait- le mot est joli qui confond la mort avec une balade… Anne qui voyait tout avant nous… Si on l’avait connue jeune, on l’aurait placée dans nos dissert’ tellement son jugement était juste et son amour immense… Brasseur aussi au sourire rusé et à la voix usée… Tous ces maîtres de la dérision qui ont semé leurs cailloux de Poucet sur le petit chemin qui est le nôtre.

Gens que je n’ai caressés que de loin mais qui s’étaient plantés un matin devant ma table, je vous ai aimés… vraiment…