On se met à écrire comme ça, par goût ou pour ne pas pleurer ni se disputer; puis on écrit en longueur et on finit une histoire où l’on a glissé des choses que l’on connaît plutôt bien; là on se dit qu’il faut envoyer sa copie et on l’envoie autant de fois qu’on nous la retourne; l’éditeur a tout plein de phrases pour nous refuser le manuscrit; qu’on n’est pas dans sa ligne éditoriale, que le quota est dépassé, que la maison d’édition n’édite que très peu dans l’année, que…mais que c’est très bien écrit; ou alors qu’on tient vraiment un bon texte mais qu’il faudrait changer quelques petites choses; que l’on change pour recevoir un mot qui dit que finalement… Vivre loin de Paris semble rédhibitoire aussi.
Ce qu’il faut , c’est de la patience; laisser infuser davantage comme disait Michaux…
Puis, un soir ou un matin comme les autres, on nous écrit que ce manuscrit envoyé, on vous le publie! On ne sait pas bien pourquoi, d’un coup, on est élu. C’est comme quand on disait aux élèves excellents en anglais qui préparaient l’entrée au lycée international qu’il fallait être, le jour de la sélection, meilleur qu’un autre; c’est ça un concours; « vous êtes bons, les petits, mais il y a eu meilleur que vous, ne pleurez pas… » Être élu par un éditeur relève de cette fragilité. Qui a décidé que le texte tenait la route? Ce jour-là, celui ou celle qui l’a choisi au détriment d’un autre sans doute, était-il dans un état de bonheur particulier? Quels étaient ses critères d’approche? Qu’est ce qui a bien pu dans nos lignes, l’émouvoir pour qu’il nous choisisse? Lesquels de nos mots ont touché sa pensée de lecteur? On ne sait pas si ni comment on devra le remercier, ce lecteur-sélecteur…
Le livre se met en forme et le texte se reformule pour plus de clarté. Lectures après ratures, notre texte nous est livré en pâture et on devient redoutable à son égard ; comme si on l’habillait pour une fête étrange; qu’il soit à la hauteur, irréprochable. On s’apercevra que se tapissaient entre les phrases, des manques, des répétitions, des inexactitudes, des fautes-pas beaucoup- mais encore quelques unes. On traque ce qui échappe; on est redoutable comme l’a été la milice…
Le livre apparaît un jour, petit Pinocchio qui devient autonome. Il s’échappe , s’éloigne, comme un fils ingrat…Non, plutôt parce que on le pousse dehors; allez, vis ta vie, montre ce que tu sais faire.
Un livre, c’est ça. On lui donne en dot de bonnes adresses, on le dirige vers des mains sérieuses, toutefois il aura à se défendre, à se battre. De temps à autre , on revient le cajoler en le relisant, ce texte de cet autre que l’on était quand on l’a écrit et rendu mature.
De dédicaces en parlottes, de salons en fêtes du livre, de présentations en lectures, on apprend à le mieux connaître car le lecteur nous le présente toujours comme si nous ne l’avions pas encore lu; et c’est vrai, notre lecture en est différente…très différente.
Dans le creux des journées et des mois, sera né un autre livre puis un suivant encore… Pourtant, on dorlotera longtemps le premier, les premiers, car, ils nous parlent de tant de gens de la route qu’on a faite, qu’ils sont devenus, ces livres précédant les suivants, responsables et témoins de ces vies déguisées que l’on a côtoyées en vrai et qui nous ont bouleversés au point de vouloir continuer à leur tendre la main, dans un souffle écrit.
Petits mots d’été, intemporels pourtant, que j’adresse à Françoise, Paola et à Jean-Marie, mais aussi à Wilma, Luca, Pierluigi, Michel, Oriana, Pietro, Primavera; puis, à Jean-Claude et à Giovanni…Et, inlassablement, à Pierre et à Brigitte.
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