Varech et grésil, une vie…
C’est ma deuxième séance chez le psychiatre ; faut voir ; il
s’appelle Stéphane, WOW-VIVAL, Il est rue des Monômes,
au 22 ; pas trop loin de chez moi ; je prends la ligne 2 du
tramway de la métropole et j’arrive vite à Chartres depuis
Orgères, avec. Je me souviens de tout ce que je lui débite
sur le ressac de ma vie, toute la nostalgie qui est là-dedans,
je note sur mon cahier après ; il ne dit rien, jamais rien ; il
est lavé tout propre au Paic citron, il a toujours les yeux
fermés, on dirait qu’il chante le God save the queen, mais
enfin, avec lui ,ça va être facile de rembobiner sur son
matelas. Bref, je lui ai dit comme ça…
… Docteur, vous puez le Patchouli, C’est ça qui vous donne
cette toux, excusez-moi de vous le dire ! Puisque j’ai la
parole, je parle…Je n’ai plus de nouvelles de Lisa depuis
lundi 17 heures. Pas le genre à avoir des états d’âme ; elle
a la conscience tranquille un point c’est tout. Et moi je suis
là à chercher sur quel fuseau horaire elle se déplace. Chez
les Mormons, elle m’a dit.- lol !- chez les mormons, c’est où,
ça ; Salt lake, achète-toi une carte Michelin des States. Je
lui ai demandé si ça existait. En plus elle va rejoindre ce
croûton de Révérend Uber, un loser de banlieue à mon
avis ; déplacé de sa paroisse pour corruption ; elle fait
l’huître, je le lui ai dit et elle a raccroché ; juste laissé un
numéro de cabine téléphonique ; elle a pris un auto
stoppeur qui lui a taxé son sac à dos et les trois Ernest
Pignon Ernest qu’elle avait sur la banquette arrière.
Même pas un pourboire, il lui a laissé ce malappris de
loubard ! Je flippe dur, même si on va vers le divorce,
mais ça coûte cent gigots de Pâques !Depuis l’été 85 où on
s’est rencontré, elle s’est toujours confiée à moi ; spoilée
par moi, comme personne, Lisa, je vous le dis. Bien sûr
qu’elle savait tout de moi et de ma Face A; elle avait avalé
mon chapelet de copines, Sheila, Theresa, Simone,
Nathalie la dernière, Alain , non ça, c’est à part, ma face B,
complexe, dirons-nous ; flexitarien pour noyer le
poisson…Aux fous-rires qu’on se faisait, elle devait
comprendre ; blonde peut-être mais pas une primevère
naïve, allez ( Pssst…Allez sur le site sofa.com ou rendezvous
au Café des arts de la Tranche, eh oui…) ou
simplement au bureau de tabac si vous fumez. Là, vous
dites Le Calabrais, ils savent… Ceux qui étaient accro au
3615 ULLA du temps des campagnes à papa, laissez
tomber … Mais Lisa, elle, ne doit pas savoir. Que voulezvous,
covoiturez et vous arrivez à la même chose que moi…
J’ai des raisons de m’en faire, peut –être encore à cause
des illusions qui me permanentent dans notre vie depuis
toujours avec elle. J’écoute ses messages en continu,
énamouré encore je crois, mais peu optimiste, j’ écoute et
les relis les messages , j’essaie de sourire devant ses
dernières blagues sur FB ; je like sans plus. Je zappe pour
oublier et remets mon walkman de sexagénaire.
Qu’est ce qu’elle me chante, elle, ce matin gris de gris?
– Mon bien aimé de jadis, relax !…je pense à toi, sois
cool, je ne te demande que ça, sinon ça va pas le
faire ; je suis à l’abri dans un camping-motel à 100
balles ; que des indiens et des rochers comme dans
les épopées du cinéma. Va sur Google earth et tape
Ashley forest, Fly tox est là. C’est rigolo que tu
m’aies surnommée comme ça toute une vie, ça fait
vraiment indien et puis ca me va comme une
mitaine ; je balance sur tout ce qui vole , je suis le
nouvel attrape-mouches mais quelles
mouches !! Sans rancune, Kévin, d’accord ?
– Je t’envoie une carte postale dès que je peux ; te
prouver que ta modeste petite ménagère fond de
teintée en guipure-paillettes d’un temps, a suivi
enfin ses désirs et s’est syndiquée, non, mais… un
peu de grève, ça ne fait pas de mal Je ne suis pas
loin d’Uber finalement ; je me grille ma dernière
gauloise de France, je fais un billard, bois un
pineau (pas super, pas comme celui de ton grandoncle
Raoul); tu vois je te décris tout , même le pop
corn est dégueulasse, comme toi d’ailleurs. Une
chose, Kévin, Nathalie, c’est la dernière truite et
j’avale pas ses arêtes… ça va te lézarder le moral
car, chez mes ancêtres parpaillots, je vais y rester
si les godelureaux de ma généalogie habitent
encore l’Utah. Si, si, je te dirai pourquoi plus tard…
Je n’ai plus de batterie, elle était dans le sac qu’il
m’a piqué en chemin, le météore bourré d’acné aux
barbillons d’ocre…oh, je deviens poète, moi, dans
mon malheur; tu m’appelles à 8h48 pétantes sur le
numéro de cabine 675-436 987. Je me pèle dans
mon 501, mes baskets d’été et mon cuir conjugal,
c’est-à-dire le tien ; à 1500 m, je suis, il y a de la
brume, même dans ma tête, mais je fais mon
devoir, au nom de mes vieux, tu le sais…
De la brume, de la brume, il n’y a pas qu’elle qui est dans la
brume…Non, mais c’est pas vrai, elle me quitte, Little
Bang…Un soufflet d’accordéon à distance et je pleure… une
vraie fontaine, le Calabrais. Mes souvenirs, il va me
rester… Dans quel pastis je me suis fourré… Elle me dit
« recalcule » ta vie, sans moi. Mais ma vie sans elle se
lézarde, se floute. Complétement, zébré de tous les côtés, je
suis, déglingué, quoi… Ah, un autre message… pour quoi j’ai
droit à Boney M, juste pour moi Sunny aujourd’hui ! the
wind blows hard , we’re apart… c’est vrai ça que quand le
vent souffle fort, il nous sépare…
– Kévin, j’ai rechargé chez le Pompiste d’Esso, la
fameuse Esso de l’est américain tout puissant ; un
peu indien, le gars, un peu Hatha yoga, un peu tout,
mais céleste, le troll, j’aime…Une caravane
vintage, des épaulettes triple XL, un rocher quoi.
Finalement plutôt que de laisser mes kilos au frais
livrée aux embruns de la nuit et à continuer à me
geler dans ton break Renault 18 de collection (tu
vois je te l’avais dit qu’elle tiendrait le coup, la
maraudeuse ; en plus elle ne boit pas trop, pas
autant que nous du moins) je vais donc passer la
nuit dans son guest-house-biocoop- discothèque et
tout et tout ; dîner de flageolets au chutney, pas de
tofu merdique ni de chicorée insipide comme à la
maison, on ambiance avec l’indien, Scope, il
s’appelle, un diminutif de horoscope, ca se devine.
Il fait la main à tout le monde, ca veut dire qu’il
voit tout ce qui va t’arriver et ca t’arrive ! T’es pas
jaloux au moins ? J’oubliais pour te taquiner la
mémoire, le slow sur son dancefloor, à l’entresol,
pour finir la soirée ! Tout ça en attendant de voir
mes vieux à Salt Lake. Ca ira, si j’en retrouve 8 sur
100, la mouette de l’océan aura terminé son vol, en
arc-en-ciel, Calabrais de mon c…. je voulais dire
mon coeur, bien sûr ! !
–
Elle n’arrête pas avec ses messages ; « Lisa, t’as pas le droit,
je ne mérite pas cette série de baffes; et toutes nos années
alors, que du sable pour toi ? » Je lui ai dit que j’ai retrouvé
les photos polaroid quand on était à l’île de Wight. J’étais
beau ; pas ce crapaud à moumoute que je suis devenu. Wow
me regarde perplexe…Doc’ vous pouvez pas laisser votre
éventail tranquille, reprenez votre vapoteuse, je vous le
permets…
Qu’est ce qu’elle me veut encore, Fly-tox…
Hi, Kévin, j’espère que t’es plus à califourchon sur
quatre vies en c’te période ; tu vas pas te faire tout le
bottin quand-même ? Tu sais quoi, j’ai retrouvé mes
parpaillots. Ils vivent dans l’argenterie, eux ; quand
je pense qu’on les a chassés de France avec même pas
une tombe honnête pour eux et qu’ils sont pleins de
bas de laine remplis de rouleaux de thune que tu n’as
jamais vus de ta vie. Je reste, pas pour ce confort,
rien à foutre de ça, mais pour leurs jappements de
plaisir quand ils ont rencontré cousinette Elisa
Martin, descendante des Martin partis du Désert*
emportant avec eux leur teinture d’ancolie. Mon 5O1,
Kévin, le tien et tous ceux du monde, c’est mes
ancêtres qui l’ont inventé ! Faut plus crier au
scandale, Calabrais, t’as bien cherché ! Vis ta vie,
moi j’ai ma bohème maintenant. Je m’arrange.
Stéphane en partant m’a dit que ma petite amie se
trompait de plante…Le bleu de la toile jean, c’est avec le
pastel des teinturiers que ses ancêtres l’ont inventée. Mais
qu’est ce que ça peut me foutre maintenant que Little Bang
m’a largué et et que mon horizon s’est évanoui!
Lisa, pliiiise !… arrête de m’épépiner, je n’en peux plus… Et
vous doc’ me laissez pas dans la choucroute. Vous m’avez
demandé le premier jour, si j’avais des phosphènes. Je
vous dis tout net que maintenant j’en ai et pas que des
petits ! Doc’, à l’aide !
Élisabeth Fabre Groelly. Mars 2020. c/o Lydia.
* Allusion à l’histoire des protestants du Désert ( Gard-
Mialet)
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