…sont venus à Bouc et à Cabriès et aussi à Aix, cette troisième semaine de juin 2019. Ils sont sortis du livre de Sandra Passerotti et de Fabio Fabbiani son mari, mais aussi, du quotidien d’aujourd’hui, avec Nevio Santini un des derniers élèves de Don Lorenzo Milani, ce prêtre toscan qui, dans les années 50-60, enseignait la vie à de jeunes garçons, à des filles aussi, qui n’avaient aucun avenir au delà de l’école primaire. Bref, vous l’aurez compris, ce prêtre d’exception ( père irait mieux) ne laissait pas en friches des enfants qui, à ses yeux, avaient tous des possibilités; de même qu’il ne les laissait pas « sécher » non plus sur la corde de la vie d’une époque secouée par les guerres, les injustices et l’exploitation des hommes. Ils ne les laissait pas sécher* tout court…

« Il n’est rien de plus injuste , disait Don Milani que de faire des parts égales entre celui qui n’a rien et celui qui a. Il se plaçait toujours du côté des plus démunis;  » gli ultimi »= ceux d’en bas… Il dénonçait le rejet de l’école de l’état, la guerre, l’agression des pays et la curie romaine de l’époque qui ne faisait pas une lecture humaine de l’évangile…

Nevio raconte inlassablement, parfois les larmes aux yeux, de quoi était fait cet enseignement de TOUS les jours de l’année, à raison de douze heures par jour.

Rien de classique au sens des programmes scolaires de l’époque: le ski, la natation, l’astronomie, la lecture quotidienne du journal avec, en toile de fond, le monde qui tremble, un peu plus chaque jour dans ces années-là… Les textes fondateurs aussi. La constitution italienne et encore « La divine comédie » de Dante Alighieri ou « Les Fiancés » de Manzoni; la maladie, enfin, qui rongeait le curé de Barbiana… Pas à pas, les petits suivaient, sur les résultats d’analyse communiqués au prêtre, l’évolution de sa leucémie; une leçon de médecine en soi.

Un enseignement éclectique qui récupérait des jeunes, lesquels passaient leurs examens à l’école de l’état avec plus de 90 % de réussite. Fabio, par la voix du livre de Sandra, sa femme, se souvient:  » Barbiana était un lieu isolé; une école sans frontières; une expérience révolutionnaire… On y arrivait, brisé par les échecs, on en repartait, la tête pleine des enseignements de Don Lorenzo, prêt à affronter la vie, la tête haute.« 

Il y avait parmi nous aussi, Claudio Tartari qui, à Milan, a fait la connaissance, livresque d’abord, du curé de Barbiana, en étudiant, grâce à son professeur,  » La lettre à une enseignante », et a mis en pratique, plus tard, dans ses études de maître et dans sa propre classe d’une banlieue démunie de Milan, les enseignements du prêtre…

Nos amis italiens toscans, qui auraient aimé tant venir, n’étaient pas tous autour de nous car en pleine semaine, il était difficile de se déplacer pour qui travaillait; pourtant, que de messages reçus pour nous dire la proximité et l’amitié, les nouveaux élus de Fiesole inclus avec Anna Ravoni et Barbara Casalini. La présence sobre mais profonde, dans leur engagement, du choeur de Fiesole NOVECENTO et celle de Giacomo Gentiluomo, le musicien-auteur guitariste dont les textes, travaillés au scalpel, ont étayé les valeurs de Barbiana.

C’est aussi comme cela, parfois, qu’il arrive aux hommes de bonne volonté de vivre entre eux: le partage sans appartenance et … presque une seule langue. Souvenez-vous de Nevio qui racontait Barbiana en italien. Soudain, il nous a semblé qu’il parlait notre langue… Merci Sandra, Nevio et Claudio, Lucia, Luciana, Francesca, Annalisa, mais aussi Elisa, Nicola, Federico, Nevio et Giacomo!

À nos côtés, fidèles, Sandrina, la présidente de notre association Un caffè?, Elisabetta, la vice-présidente italienne, Lidia et Andrea. Et tant et tant de membres de notre association, notamment Arlette et les deux Pierre, qui sont venus vivre cette belle convivialité en direct.

Comme point d’orgue, je citerai volontiers les paroles d’un grand résistant, René Char:

Dans mon pays , on ne questionne pas un homme ému…

Bonjour à peine est inconnu dans mon pays…

On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté…

Dans mon pays, on remercie

Une expérience à refaire… et que nous referons!

Élisabeth Groelly, association Un caffè? Bouc-Bel-Air

Les photos sont celles de Jean-Claude et De Giacomo.

  • Note pour le lecteur italien: Sécher, en français, a trois sens: devenir sec, ne pas savoir quelque chose à un examen (langage parlé) ET faire l’école buissonnière.