Croire

On n’y pense pas ou plus, sauf quand on est dans une chapelle, devant une tombe ou atterré par une nouvelle qui vous désagrège. On croit à des choses diverses par atavisme, par éducation, par habitude, par complaisance, par …rien ne vient plus.

J’ouvre à Noël, le Télérama double qui va servir aux vacances et dont la couverture ne dit rien de plus; à la main est écrit : Croire.

Je m’achemine dans ses pages, ses pages à lui, celles du journal hebdo et je m’inflige des lectures, pas du tout affligeantes, mais… ; il y a ce garçon qui croit dur que le monde va finir et qu’il faut s’ habituer à la collapsosophie pour bien vivre les derniers temps qui nous séparent de la fin ; il effleure la médecine qui ne doit pas dire:  » vous êtes foutu!, vous allez mourir bientôt », de quoi vous empoisonner les derniers jours de votre vie, mais conseiller de vivre pleinement. Le garçon est chercheur indépendant, un de ces « voyageurs de l’effondrement » (sic) ; je dis le garçon car on est  garçon ou fille et on le reste. Bref, à 41 ans, le garçon croit lui à une fin imminente dont il faut aménager l’approche. On doit considérer la catastrophe comme certaine, on doit y croire pour avoir une chance de l’éviter (sic). C’est croire qu’on appelle l’espoir? Vous en dites quoi vous ?

Puis  50 pages plus loin, un autre garçon, philosophe lui, croit qu’il faut même croire à ce qui n’existe pas : papa Noël , par exemple : « la croyance n’est qu’une semi-croyance » ( sic) : faire « comme si » en somme…pas vraiment convaincue, je suis ; que papa Noël existe sans croire qu’il existe, ça sûrement, car c’est moi qui fais les cadeaux, c’est moi qui écris la lettre que le vieux  laisse sur le banc en remerciement des papillottes, de la bière et des carottes pour ses rennes que je lui ai préparées. Mais  7 pages pour me dire que « papa Noël rend croyants les incroyants » et que « l’expression je n’y crois plus signifie qu’on a laissé tomber »(sic), là ce sont mes bras qui tombent ; Télérama, tu m’aurais téléphoné, je t’aurais dit pareil, à la nuance près  que j’aurais attendu après Noël pour te le dire. Par pudeur ou respect, pour ne pas désespérer mon entourage et tous les autres si fragiles. Bref 7 pages… pour résumer l’article:  » il n’y a pas de vie sans croyance » ( Sic)

Arrive  le rebouteux ou le guérisseur, quelques feuillets en arrière. Une seule page qui dit ce que je dois à mon expérience d’individu souffreteux : « il faut avoir la volonté d’aller mieux » dit l’article où un nouveau témoin souligne que « la médecine s’occupe de l’organe malade, le guérisseur s’occupe du patient dans son ensemble ». Une autre façon de s’accrocher à la vie et de croire…

Puis soudain -Télérama j’aime tes pubs ciblées- La photo d’un grand* garçon fatigué, sans âge, il est grand maintenant, il est responsable, ça se voit dans ses yeux qu’il y croit, lui ! Et moi en lui soudain, comme j’ai cru ces dernières années à ces SOS Médecins qui sont venus la nuit. Le message de la pub : «  il pourrait rentrer chez lui… ». Là j’y crois ferme, CROIRE, quoi…, que l’homme n’est pas toujours détruit par l’homme, mais sauvé par lui.

J’ai bien fait d’ouvrir Télérama à Noël ! De croire encore un peu…

Élisabeth Groelly, janvier 2019

  • le français est une belle langue : un garçon est tour à tour un petit garçon ou un grand garçon ; un homme est aussi un petit homme ou un grand homme, mais là ça se gâte, ni l’un ni l’autre ne me convient… Le garçon dont il est question ici est un grand garçon, grand, très grand…
  • Télérama n° 2773