Je regarde les mots. Mon éditrice

Je m’attribue une personne. On me disait, enfant, de ne pas m’approprier ni les choses, ni les gens. Rien ne nous appartient jamais. Pourtant on nous l’a rabâché le MON, TON , SON, NOTRE , VOTRE, LEUR, de classe en classe, et tant de fois, que ce chapelet s’est imprimé en nous. Le français est égoïste de toutes façons.

Quand je dis Mon éditrice, il est vrai qu’elle ne m’appartient pas mais comment parler du bout de chemin fait avec cette personne délicieuse, paisible, franche , autour d’un livre, le mien ( encore la possession!). Il me semble qu’elle est là , près de moi, comme elle le fut dans nos pérégrinations d’éditeur-auteur; d’Aoste à Turin, de Trieste à Udine, de la Valcellina à Venise et Milan, en choisissant le passage obligé, thème du livre, par Longarone en Vénétie. Et la Piave murmure/ Il Piave mormora ancora…

Le livre demeure… Juste avant de partir dans la souffrance, vers l’inconnu et entre deux états de maladie, elle me disait, très fière, avoir retravaillé la mise en page du livre. Il semble que je veux parler d’elle parce qu’elle n’est plus là; pourtant j’ai toujours dit la connivence qui existait entre nous et qui devait exister aussi avec ses autres auteurs. Le sens du travail bien fait et le respect des personnes même s’il s’agissait de rapport.

Je ne sais plus rien de la maison d’éditions où les livres étaient tournés vers les vraies richesses, c’est ce qui m’avait guidée dans le choix d’édition: la montagne, la vie de gens simples, l’histoire des pays de frontière, de pays tout court, entendons villages, villes, contrées… et ce respect justement.

Mon éditrice m’a fait rencontrer des personnes à son image, d’un côté comme de l’autre de l’Italie du Nord. Un livre , c’est tout cela, le rayonnement premier. Dans ce cadre, ce fut d’abord une amie traductrice, Wilma, présente jusqu’au bout, puis les amis de nos amies, Oriana, Maria Irene, Enea, Vittorio… Mon éditrice, au-delà du réseau qu’elle avait tissé dans son activité, était une femme de valeurs, de celles dont on a besoin pour avancer; elle savait rayonner dans son engagement.

Paola n’a nul besoin d’un merci; seulement qu’on parle encore de ce qu’elle laisse: le partage, autrement dit une grande générosité…

Valcellina 2016.