… J’ai suivi le carnet d’Antoine, Chaudefontaine, La Neuville-au-Pont, Ste Menehould ( prononcer MENOU);  à pieds, pour le soldat et ses compagnons du sud et d’ailleurs. Vastes étendues de bois jolis et de terres grasses. Antoine, mon poilu de grand-père,  décrit les lieux dans son carnet de guerre et je les retrouve, moi, sans la guerre des hommes. On l’a bien rangée, la guerre GRANDE, c’est ce que l’on dit, comme sur un rayon de bibliothèque…Seulement voilà, il y a des coins de France et des  monuments qui nous empêchent d’oublier qu’il y a juste 100 ans on s’étripait.

Alors que se poursuit la route, les lieux de batailles rudes s’imposent par leur nom. Ah , c’est donc là …

Verdun est le premier arrêt; la ville, paisible comme si de rien n’avait été, n’était-ce ce monument qui dit qui ils étaient.

Puis direction l’ossuaire et le mémorial. Je suis surprise de voir, qu’à l’entrée, parmi les départements  du sud -est de la  France qui ont participé à ce mémorial, seuls le Var et les Alpes Maritimes de chez nous figurent; pas les Bouches du Rhône, ni le Vaucluse, ni… Il me revient la honte qu’ont subi nos soldats les premiers jours d’août sous le mépris de la presse et du ministère d’alors; bafoués , nos soldats du XV ème corps… Je cherche une relation…elle est vraiment personnelle?

Au détour d’une allée, je les découvre ceux qui ont écrit la guerre des leurs, j’entends tous les soldats, ceux d’Allemagne aussi; Maurice Genevoix qui combattait l’allemand Ernst Junger. On retrouve là les vivants et les morts: Apollinaire, Pergaud,  Fournier, Péguy… Le redoutable baron rouge allemand et puis aussi Roland Garros, tué dans son avion dans les Ardennes à un mois de l’armistice. Une prodigieuse reconstitution, car il ne faut pas oublier.

On se sent presque fautif, en tout cas minuscule, à Verdun.

On s’enfonce dans les terres meurtries, du côté de La Woëvre, dans les bois de Calonne, sa tranchée de triste mémoire où , combattait les premiers jours de la guerre, Alain Fournier, images.jpgl’auteur du Grand Meaulnes. On marche jusqu’à elle et soudain dans le bois lumineux, une vitrine par terre qui dit que Fournier est tombé là en 1914 mais qu’on ne l’a retrouvé qu’en 1991 parmi ses compagnons. Le terme ossuaire a tout son sens; une photo dit la découverte…

IMG_0769.JPGIMG_0771.JPGIMG_0776.JPGFournier avait 27 ans, Garros, 29 et le baron allemand, 26… l’âge d’homme chargé d’espoir, en somme.

Retour dans la plaine de La Woëvre ( prononcer OUAVRE).; je veux aller à Marchéville, là où est tombé Louis Pergaud ,  l’instituteur de La guerre des boutons. Petit village sage, dépendant de Fresnes en Woëvre. Arrêt. Il reste une plaque et, sur le panneau d’entrée du village, sa photo. Marchéville s’est jumelée avec Belmont, dans le Haut Doubs, pays natal de Louis. IMG_0780.jpgJ’ai en main son journal de tranchée arrêté au 6 avril 1915. Il est mort dans le terrible combat de la nuit du 7 au 8 avril : ses dernières lignes étaient les suivantes: 19 mars. Il est idiot de songer à prendre un village et des tranchées aussi puissamment protégées avec des effectifs aussi réduits, chaque poilu fût-il brave comme trois lions.

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On se sent presque honteux d’avoir vécu le double de son âge.

Je veux rendre hommage à Antoine, mon  grand-père en allant à Massiges; la main de Massiges; je ne l’écoutais pas alors quand inlassablement il racontait sa guerre; on est bête à 13 ans… C’est un plateau crayeux, j’en ai conservé un caillou…je n’aurais pas dû, dites-vous? Encore la tranchée et le regard de la bécasse qui, du promontoire, voit tout autour à 360° une plaine tranquille comme le sont les morts d’ici, presque oubliés aujourd’hui, totalement demain après la fin des commémorations que l’on sait …

On se sent redevable…

La terre change en allant dans l’Argonne. Recherche d’une abbaye dans un lieu minuscule: Lachalade. C’est la fin de la journée, on chante à l’abbaye, devant nous en hauteur une stèle immense à l’italienne qui dit, qu’en Argonne, sont morts dans la légion Garibaldienne et sur le sol de France, deux des petits fils de Garibaldi:  Bruno et Costante, download.jpg morts en 14 et 15, à un mois d’intervalle, sous le commandement d’un frère plus âgé, Peppino, au dessus , dans les bois de la Gruerie et de Bolante; nous poursuivons vers les lieux de la Haute Chevauchée; là on se déchirait sauvagement aussi, mais dites, où on ne se battait pas alors, dans ces terres joliment appelées aujourd’hui,  Grand-Est et Hauts-de-France, pour juguler l’avancée des Alboches vers Paris? Où, dites?…

Je me sens si dérisoire dans l’histoire de ces  hommes de courage broyés par l’Histoire… Dire que tant d’hommes minables aujourd’hui, à force de coups bas se placent sous les feux stériles des projecteurs…Si, Si , tout près de nous… Allons, respect immense pour les premiers, mépris total pour les seconds.

Belle journée sous le ciel de la France! Essayons de la bien vivre…