Une année qui finit, anxieuse, morose, sans lumière devant. De laquelle je parle? Des deux, en grand écart: 1916 et 2016.
1916, hécatombe , on l’a dit et rappelé; encore ce matin en inaugurant la placette au nom de Édouard Bouquet, le maître de notre école minuscule, parti sur un cheminement obscur du côté de Verdun. Cent ans déjà pour le jeune homme. Hécatombe de tous les fronts qui en ouvrent de plus sanglants car chaque guerre aiguise ses armes pour la suivante, révise son tour de scène, fait preuve d’ingéniosité pour un plus beau massacre, celui qui vient. 1917, le chemin des dames, ses mutineries. Assez!
On enjambe les morts, un pied en 1916, l’autre en 2016. Et ceux qui observent ce grand écart vivent en sursis.
Ce matin donc, une messe pour ces morts, nos morts, tous les morts et une commémoration, ça ne fait de mal à personne et on va se souvenir d’eux, sans visages depuis longtemps, l’espace d’une prière ou d’un discours. Puis on boira… À quoi? À la victoire! Laquelle? Celle de l’homme sur l’homme, c’est toujours une piètre victoire. On boira, c’est ça qui est important, comme la date de la bataille de Marignan! Et pour se sentir vivant encore un peu.
L’enfant, la petite fille, 5 ans dans deux mois, a suivi de son oeil curieux le parcours de mémoire de ce 11 novembre. Sans sourciller, sans demander de rentrer ; jamais, en deux heures et demi. Un drapeau à la main. Avec ses doigts et en le répétant, elle a délimité sur le drapeau bleu-blanc-rouge le mot souvenir. Il faudra le lui répéter chaque année et surtout lui montrer d’autres drapeaux où les mots inscrits dans une graphie différente, parleront aussi de la mémoire des hommes, enfin plutôt du souvenir de l’homme en péril. Elle ne sait pas, la petite, que tous les hommes le sont, en péril; elle en a seulement l’intuition en me serrant la main quand se fait le silence de la mémoire.
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