C’est ce qui reste de ce qui a été: l’avant…
On était bien alors et on ne le mesurait pas; puis l’horreur, en quelques heures d’affres qui durent plus que normalement, on perd tout, enfin pas la vie, on l’espère; la maison, la joliesse du quartier, le calme de l’été, la colline des balades, le bleu du ciel et des jours heureux. Car tout part en fumée, embrasé, emporté par les flammes. D’abord on est venu nous dire qu’il fallait partir, qu’il ne fallait pas rester à la maison; ça s’appelle l’évacuation; de prendre quelques petits objets et de faire vite, les routes vont être coupées; on les maudit, ceux qui nous parlent, ces hommes du feu qui s’occupent pourtant bien de nous. On a arrosé le jardin comme on a pu, mis des draps mouillés entre le mur et les volets …pour isoler, mais on doit partir, vite. Bientôt ce sera trop tard et on devra se terrer dans la maison toute fermée et les flammes viendront lécher murs fenêtres et détruire le jardin et nos arbres.
Puis il y aura le matin calme où la luminosité ne sera plus celle de l’été. On rentrera après une nuit passée avec d’autres au gymnase ou ailleurs, ensemble avec les anciens qui souffrent et les petits qui pleurent.
En 89, au moment de partir, j’ai pris du pain, des couvertures, des pulls , de l’eau , les actes notariés, quelques bijoux et mes petits; nous sommes partis dans la 4L.
Pour nous ça n’a pas duré mais pour ceux de la nuit dernière, oui…
Duré un temps apocalyptique où le feu déclenche la haine. La faute à qui? Sans doute à un minable en mal de sensations qui se venge de qui sait quoi… La faute au vent d’ici qui est fou et on le sait bien; la faute à la sécheresse et à cette foutue pluie qui ne vient que lorsque on n’en veut plus car elle détruit tout elle aussi en insistant sur des terres qui ne l’absorbent plus. Cette violence des éléments et de nous-mêmes, on ne la cautionne pas mais elle est là.
Cette nuit je ne dormais pas par solidarité à ceux qui, épuisés, luttaient pourtant, pour venir à bout de cette chaîne de feu; à ceux qui regroupés, pleuraient , attendaient, priaient peut-être et espéraient parce que c’est humain; à Stéphanie en détresse aussi, à ses chevaux égarés; à Élodie qui devait être sur le front du feu en tant que pompier…Stéphanie, Élodie, les deux copines de classe. Mes deux petites élèves… Grandes!
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