Mercredi, dans une pâtisserie du cours; je venais y chercher des biscotins aixois… Autour de moi des dames , rien que des dames; des filles aussi, enfin, des femmes, au sens noble et générique du terme. Autour de moi donc qui attendais mes biscuits, elles demandaient une tarte au citron, un éclair au chocolat, une religieuse. En l’absence de table pour déguster ces jolis délices, ceux-ci étaient engloutis avant même de les avoir réglés en caisse … Le plaisir est glouton… Alors, m’est revenu ce poème italien d’un grand…
Il est mort il y a 100 ans, en août 1916; il était turinois et il avait une sensibilité très … proustienne. C’était un poète, Guido Gozzano… Et quand lui parlait des femmes, il disait…
Je suis tombé amoureux de toutes les femmes qui mangent des petits gâteaux dans une pâtisserie.
Des dames et des demoiselles qui viennent d’ôter leur gant et vont choisir la gourmandise.
Comme ces dames redeviennent petites filles! Pour que personne ne les surprenne, elles se sont détournées, vite, très vite; la voilette soulevée, elles dévorent leur proie.
Il y a cette dame qui réfléchit longtemps avant de choisir le petit délice; cette autre qui le prend sans hésitation , se moquant de sa forme ou de sa couleur. Il y a celle qui, avant même de l’avoir terminé, pense à l’après, à la pâtisserie qui va suivre; son oeil averti a déjà pris possession du plateau tout entier. Une autre dont le gâteau s’est affaissé, chasse les traces blanches de sucre de ses doigts collants de confiture. Cette autre encore, lèche avec délicatesse ce qui dépasse déjà du petit four…Peine perdue, la crème s’en échappe par l’autre bout.
Il y a celle qui, sans se préoccuper de qui l’a repérée, dévore en paix. Une autre lève les yeux et il semble qu’au su et au vu de tous, ce qu’elle goûte, ce ne sont pas des bijoux à la crème ni de la ganache; mais quelque chose qui ressemblerait à la poésie de D’Annunzio*.
Dans une atmosphère lourde d’arômes puissants, de mélanges étranges de cédrat, de sirop, de crème et de mousse, de parfums de Paris, de violette ou encore de chevelures, comme ces dames redeviennent des petites filles !
Pourquoi ne m’est-il pas permis, les conventions sont dures, de m’approcher d’elles, de les embrasser, l’une après l’autre ces bouches intactes et magnifiques de jeunes femmes, de les embrasser pour que ce baiser ait la saveur de la crème et du chocolat?
Pourquoi?
Je suis tombé amoureux de toutes les femmes qui mangent des petits gâteaux dans une pâtisserie…
(Guido Gozzano 1883-1916)
*Gabriele D’Annunzio était un poète interventionniste, c’est à dire qu’il souhaitait vivement l’entrée en guerre de l’Italie en 1915. Adaptation et traduction du poème de Gozzano, LE GOLOSE: Élisabeth.
3 juin 2016 at 8 08 58 06586
Questa citazione gozzaniana e la capacità di volgere in ottimo francese il mondo di fascinazioni e nostalgie del grande, grandissimo Guido mi hanno davvero commosso. E’ stato come ritrovare, pur sotto il filtro di un’altra lingua e un’altra sensibilità, i tratti familiari di un Amico che eravamo abituati a incontrare attraverso un diverso idioma e un diverso contesto ambientale. Come se Gozzano avesse abbandonato per un attimo i caffè e le nebbiose viuzze torinesi per inoltrarsi nella solare e radiosa Provenza di Elizabeth…
Grazie, Elizabeth, anche a nome di tutte le « golose » che riempiono e colorano il mondo della loro inconsapevole gioia!
Pier Luigi Berbotto
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