…La pluie de la nuit a dépoussiéré ton portrait…Au matin, il restait tes colères, justes, sans âge, mon cher Poquelin*…
PHILINTE
Mais quand on est du monde, il faut bien que l’on rende
Quelques dehors civils, que l’usage demande.
ALCESTE
Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié,
Ce commerce honteux de semblants d’amitié :
Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
Le fond de notre cœur, dans nos discours, se montre ;
Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments
Ne se masquent jamais, sous de vains compliments.
PHILINTE
Il est bien des endroits, où la pleine franchise
Deviendrait ridicule, et serait peu permise ;
Et, parfois, n’en déplaise à votre austère honneur,
Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur.
Serait-il à propos, et de la bienséance,
De dire à mille gens tout ce que d’eux, on pense ?
Et quand on a quelqu’un qu’on hait, ou qui déplaît,
Lui doit-on déclarer la chose comme elle est ?
ALCESTE
Ouy..
PHILINTE
Vous vous moquez.
ALCESTE
Je ne me moque point,
Et je vais n’épargner personne sur ce point.
Mes yeux sont trop blessés ; et la cour, et la ville,
Ne m’offrent rien qu’objets à m’échauffer la bile :
J’entre en une humeur noire, en un chagrin profond,
Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font ;
Je ne trouve, partout, que lâche flatterie,
Qu’injustice, intérêt, trahison, fourberie ;
Je n’y puis plus tenir, j’enrage, et mon dessein
Est de rompre en visière à tout le genre humain.
PHILINTE
Vous voulez un grand mal à la nature humaine !
ALCESTE
Oui ! j’ai conçu pour elle, une effroyable haine.
ALCESTE
… elle est générale, et je hais tous les hommes :
Les uns, parce qu’ils sont méchants, et malfaisants ;
Et les autres, pour être aux méchants, complaisants,
Et n’avoir pas, pour eux, ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance, on voit l’injuste excès,
Pour le franc scélérat avec qui j’ai procès ;
Au travers de son masque, on voit à plein le traître,
Partout, il est connu pour tout ce qu’il peut être ;
Et ses roulements d’yeux, et son ton radouci,
N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici.
On sait que ce pied plat, digne qu’on le confonde,
Par de sales emplois, s’est poussé dans le monde :
Et, que, par eux, son sort, de splendeur revêtu,
Fait gronder le mérite, et rougir la vertu.
Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit, pour lui, personne :
Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit,
Tout le monde en convient, et nul n’y contredit.
Cependant, sa grimace est, partout, bienvenue,
On l’accueille, on lui rit ; partout, il s’insinue ;
Et s’il est, par la brigue, un rang à disputer,
Sur le plus honnête homme, on le voit l’emporter.
Têtebleu, ce me sont de mortelles blessures,
De voir qu’avec le vice on garde des mesures ;
Et, parfois, il me prend des mouvements soudains,
De fuir, dans un désert, l’approche des humains.
PHILINTE
Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
Ne l’examinons point dans la grande rigueur,
Et voyons ses défauts, avec quelque douceur.
Et c’est une folie, à nulle autre, seconde,
De vouloir se mêler de corriger le monde.
J’observe, comme vous, cent choses, tous les jours,
Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours :
Mais quoi qu’à chaque pas, je puisse voir paraître,
En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ;
Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
Mon flegme est philosophe, autant que votre bile.
ALCESTE
Mais ce flegme, Monsieur, qui raisonnez si bien ,
Ce flegme, pourra-t-il ne s’échauffer de rien ?
Et s’il faut, par hasard, qu’un ami vous trahisse,
Que pour avoir vos biens, on dresse un artifice,
Ou qu’on tâche à semer de méchants bruits de vous,
Verrez-vous tout cela, sans vous mettre en courroux ?
PHILINTE
Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure,
Comme vices unis à l’humaine nature ;
Et mon esprit, enfin, n’est pas plus offensé,
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage.
* Jean Baptiste Poquelin, dit Molière. Acte I, scène 1. Le Misanthrope.1666.
D’un texte à l’autre, j’ai rouvert le livre Le plagiaire sans scrupule de Hélène Maurel Indart, qui parle justement de plagiat, une autre déviance humaine. Puis j’ai recherché quelqu’un qui avait un avis sur le livre et j’ai trouvé sur la toile celui de Loïc di Stefano qui en parle avec justesse.
…. Après un essai très remarqué portant définition juridico-littéraire du plagiat comme système (Du plagiat, PUF, puis Folio), Hélène Maurel Indart revient avec un essai assez caustique où elle étudie les différentes techniques de plagiat, ainsi que les arguments des plagiaires pour être tout à fait sans scrupules...Il n'y a pas de plagiaire type, mais une infinité de façons de faire, plus ou moins consciemment, plus ou moins grossièrement. Et autant de façon de tenter de ne pas passer pour un voleur...… Le livre s'ouvre d'abord par une explication des différents modes opératoires du plagiaire (son portrait-robot, sa victime, ses complices, ses armes, ses techniques pour brouiller les pistes et effacer ses traces), se poursuit par une mise à nue des techniques rédactionnelles propres à cette activité (réécriture, détournement, etc.) et se conclut par la partie la plus amusante, celle des systèmes de défense (la bonne foi, le bon droit, la faute aux autres, à Internet, des pulsions mal contrôlées...)Est-ce pour autant un manuel du petit plagiaire illustré par l'exemple ? Si les "combines" des plagiaires sont bien montrées, il faut lire cela comme un roman policier, où les méchants sont punis à la fin, car Hélène Maurel-Indart, universitaire et experte juridique sur cette question, n'a d'autre but que de rendre les plagiaires honteux d'autant plus ridicules. ...Loïc Di Stefano. (Extraits de Le salon littéraire; Leo Scheer, dans critiques; post de 36 mois)
Molière, tu en penses quoi, toi? Je sais que tu as du bon sens, mais on t’a tellement attaqué et taxé de multiples travers que j’ai pensé, qu’au delà de ta mort séculaire, tu devais être resté magistralement monolithique et fort finalement devant l’imbécillité qui persiste comme une faute.
Commentaires récents