Pour ceux qui ne lisent pas l’italien, voici une partie de la traduction du beau texte d’Andrea Borsotti ( voir novembre 2015)
Le « nègre ».
C’était en novembre 1944. Un matin particulièrement doux pour la saison. On approchait de midi.
À Borgunto, avait commencé le va-et-vient du samedi. Je me trouvais devant l’étal de Noemi où j’essayais de trouver des pommes sans le ver et pas trop touchées. Je ne m’étais pas aperçue du groupe de soldats alliés qui se trouvaient sur le passage. Un fruit glissa de la corbeille jusqu’à mes pieds et roula sur les dalles de pierre. Je me baissais et tendis la main pour arrêter le fruit rebelle ; une autre main l’attrapa avant moi.
C’était la première fois que je me trouvais face à face à un noir et de si près. J’étais étonnée de voir qu’il avait les ongles clairs et je remarquai aussi que la paume de sa main, quand il me tendit le fruit, était claire comme la mienne. Je me souviens que nous nous sommes relevés en même temps et que je suis devenue toute rouge de timidité… Pourtant, j’insistais pour voir ses yeux, d’un marron si brillant, ses dents d’un blanc immaculé, ses lèvres rosées… Je le remerciais à voix basse pour ne pas me faire remarquer des gens autour de moi. J’avais un peu honte. Nous étions maintenant éloignés l’un de l’autre mais notre tête était pleine de cette rencontre. Il me parla dans sa langue que je ne comprenais pas et il me souriait en regagnant ses compagnons. En reposant la pomme, je sentis sur moi les yeux pleins de curiosité de Noemi. Moi, je continuais à suivre du regard ce jeune garçon de vingt ans dont je ne savais pas le nom et qui était venu chez nous depuis son village lointain, risquer sa vie pour libérer le nôtre. Je me souvenais de Franz, le jeune allemand avec ses petites lunettes rondes. Lui aussi avait vingt ans et lui aussi était venu ici risquer sa vie. Avait-il su seulement pourquoi ?
Les deux garçons avaient les yeux, les dents et la bouche de la même couleur… Franz, à la peau blanche et satinée, comme le lait. L’autre, à la peau foncée et tendre comme l’est une lamelle de fondant au chocolat. Tous les deux si semblables pourtant…
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